Le fruit de notre travail collectif!
Le Toit Commun, maison de l’économie sociale et solidaire à Lens, s’est donné comme ambition d’expérimenter l’économie de demain : une économie tournée vers l’humain et non vers le profit, respectueuse de son environnement, et qui prend en compte ses externalités, qu’elles soient positives ou négatives.
Depuis la création de la SCIC en 2021, et l’ouverture du lieu en 2022, le Toit Commun a toujours coopéré avec son territoire : d’abord avec les structures de l’ESS, quelles soient associations ou entreprises, et qui ont aidé à l’émergence du projet, ensuite avec les collectivités, telles que la CALL ou le département du Pas-de-Calais, et enfin avec les habitants, usagers et bénéficiaires du lieu. C’est pour cela qu’il nous semblait primordial, dans le cadre de la consultation citoyenne autour du projet de territoire de l’agglomération, de proposer un texte explicitant quelques unes de nos propositions.
Les orientations que nous vous partageons aujourd’hui résultent d’une écriture participative de personnes impliquées au Toit Commun, et qui se sont projetées dans un futur plus désirable pour notre territoire où l'ESS serait un repère.
La fin de l’activité minière, avec les conséquences que l’on sait, a fait du bassin un territoire abandonné certes mais avec une opportunité de transformation et de renouveau.
Des acteurs économiques ont déjà fait le choix de l'ESS pour permettre à ce territoire de nouveaux développements, avec la volonté de faire en coopération et pour plus de démocratie.
Le développement économique de la CALL, et plus particulièrement de la ville de Lens, est souvent réduit à des lieux emblématiques, comme le stade Bollaert-Delelis ou le Louvre-Lens. Si ces deux mastodontes drainent des visiteurs sur notre territoire, il est difficile d'en mesurer l'impact réel sur notre développement économique, ces visiteurs étant plutôt une population "de passage". Les rues désertes du centre ville de Lens le dimanche en témoignent, celui-ci se situant seulement à quelques minutes de marche du musée. Les lieux culturels sont pourtant nombreux sur notre territoire: Culture Commune, le Corons des Arts, le Colisée, Arc-en Ciel, Ronny Coutteure... Le Louvre Lens a heureusement dynamisé les financements sur notre territoire, tout comme l'incubateur du Louvre-Lens Vallée.
Au Toit Commun nous faisons la promotion de l'économie sociale et solidaire, et nous voulons porter la voix des acteurs économique ESS de note territoire. Cette économie est une alternative porteuse de dynamiques positives, elle répond aux besoins de tous les habitants mais aussi d'une population précarisée, peu qualifiée, en quête d'espoir et de lien social; elle est également porteuse d'innovations et d'emplois . La preuve en est que de nombreuses structures de l'insertion ont choisi la CALL pour s'installer, et qu'elles accueillent de nombreux bénéficiaires.
Pourtant, malgré la grande qualité du service ESS de l'agglomération, et de sa politique mise en œuvre en appui des acteurs du territoires, les choix économiques faits par nos élus questionnent et déçoivent. L'investissement dans l'usine de batteries Stellantis en est un exemple criant: donner encore la part belle à une technologie polluante, que l'on sait non pérenne, est-ce un vrai projet d'avenir? L'économie de marché n'est-elle pas en mesure de financer elle-même de si gros projets? Quels sont les engagements pris pour que le territoire bénéficie réellement de son installation? On se souvient des promesses faites pour l'emploi à l'arrivée du Louvre-Lens, la réalité s'était avérée bien décevante.
De même, les entrepôts de logistiques, Amazon et compagnie, fleurissent sur notre département. A nouveau, les politiques publiques pour favoriser l'installation de ces acteurs sur notre territoire ne prennent jamais en compte des externalités négatives que ceux-ci vont générer: des emplois précaires, une augmentation du trafic routier, confiscation de terres constructibles sur un territoire où il manque cruellement de logements. Sans compter que l'on favorise l’expansion d'un commerce de masse, qui détruit le commerce local.
Nous devons nous donner du temps. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire des choix en fonction d'un calendrier électoral, qui n'intéresse pas toujours les habitants du territoire par ailleurs. Des leviers existent pour relancer notre territoire, et ils sont à trouver dans les piliers de l'économie sociale et solidaire.
Nous devons redonner du pouvoir à notre population.Garantir l'accès à la formation, élaborer des outils de coopération et de création, faire le pari de l'humain et de sa grande capacité à agir.
Nous proposons de faire l'expérimentation d'un revenu universel local, qui permettrait de réduire les inégalités et la pression de l'emploi (précaire et de mauvaise qualité). Nous encourageons à la réinstallation de services publics de proximité dans les quartiers, pour recréer de la confiance, du lien, et être en appui des habitants et de leurs projets. Nous invitons à faciliter l'initiative par la création d'espaces d'accueil d'activités nouvelles, créatrices de lien et d'économies, de valeurs ajoutées ( pépinières ESS et/ou marchés couverts) au moins dans chaque QPV de la CALL, et dans chaque commune, avec un accès gratuit expérimental à durée limitée, mais reconductible. Ces espaces devraient obtenir une stabilité publique financière.
Plus de 20 ans après la fermeture des dernières mines, le constat est clair: notre population souffre de conditions de vie dégradées par une pollution liée à l'exploitation minière et à l'industrie. Les projets pouvant aggraver cette situation continuent pourtant à trouver des appuis , en dépit des études d'impact alarmantes. Le verdissement de nos terrils doivent pourtant nous faire entendre ce message: nous pouvons être résilients.
Aujourd'hui notre territoire est particulièrement encombré par le "tout-voiture". Les transports publics, réduits aux autobus, ont pour but de drainer les habitants dans les zones commerciales, qui ne cessent de s'étendre en périphérie de nos villes. Les travaux liés au déploiement du BHNS se sont fait en dépit des pistes cyclables, qui ont pour la plupart simplement disparues des grands axes, créant des conditions de circulations dangereuses pour les vélos. L'euro -vélo 5 est mis en avant pour prétendre à une politique en faveur des déplacements doux, mais en réalité cette piste cyclable favorise plutôt un vélo de loisir qu'un vélo du quotidien.
Pour rendre notre territoire plus résiliant, et pour améliorer la qualité de vie des habitants, nous avons des propositions concrètes.
Nous pensons qu'il faut activer une vraie politique en faveur des mobilités douces et des déplacements collectifs: gratuité des transports publics pour les habitants et coconstruction avec eux d'un grand plan vélo. Le travail fait par l'agglomération lors de la construction du PAT a mis en lumière la disparition des terres agricoles et avec elles la fin de notre souveraineté alimentaire. L'alimentation devrait être la préoccupation principale de notre politique de santé, surtout sur un territoire précaire et fast-foodisé comme le nôtre. Nous devons soutenir toutes les initiatives en faveur du bien- manger, développer des formes collectives d’agroécologie, des jardins agricoles citoyens pour que chacun puisse accéder à une alimentation saine et gratuite. Nous proposons de réunir les acteurs locaux œuvrant dans ce sens pour expérimenter la sécurité sociale de l'alimentation en tenant compte des contraintes imposées par de grandes inégalités salariales et sociales et co-construction avec les habitants et sans les culpabiliser ni les infantiliser.
Nous pensons également qu'un travail de fond sur l'énergie doit être entamé. Il faut faire savoir ce que font vraiment la CALL et les entreprises locales en matière de réduction de consommation d'énergie, pour elles mais aussi pour les habitants du territoire. Nous proposons également de lancer un travail autour de la production d'énergie locale, en lien avec les habitants. La CALL pourrait également promouvoir l'auto réhabilitation pour les travaux luttant contre la précarité énergétique.
Notre agglomération n'échappe pas à la règle: les électeurs ont déserté les urnes. Les conséquences sont visibles à chaque élections, le taux de participation dégringole et favorise le vote en faveur de l'extrême droite, qui fait son beurre sur la fracture entre citoyens et décideurs.
Un territoire désirable, c'est aussi un territoire d'égalité femmes/hommes et qui promeut une éducation luttant contre toutes les formes de discriminations. Ce sont des éléments structurants pour poser un socle de confiance et de légitimités réciproques.
La participation des citoyens aux décisions prises pour leur avenir restent encore trop sur un schéma descendant- les sachants versus les éxécutants. Cette consultation sur le projet de territoire est peu accessible: un questionnaire qui manque d'ambition, très peu de publicité, un temps très court pour y contribuer... De plus, à la lecture du questionnaire, la première impression est qu’il faudrait faire des sacrifices pour les dix prochaines années puisque le mot mis en avant est « Priorité », qui se traduit par un choix entre deux ou trois réponses par secteurs.
Nous serons particulièrement vigilants aux suites qui seront données à cette consultation. De manière générale, nous pouvons déplorer certaines méthodes de participations citoyennes, qui entretiennent l'opacité des prises de décision. Nous espérons qu'il en sera autrement pour celle-ci.
Le développement de lieux d'initiative citoyenne sur le territoire devrait nous faire réfléchir. Non, les habitants n'ont pas abandonné l'idée de participer à la vie politique, ils ont décidé de le faire à leur manière, en créant le LAG, le Toit Commun, le lombric, le Corons des Arts, le Ménadel...Aller dans les médiathèques, dans les tiers-lieux, dans les associations, pour entretenir notre culture de la solidarité. Et pourtant, tous ces lieux citoyens ont du mal à trouver leur place dans les décisions politiques. Notre territoire est riche de son interculturalité liée aux migrations, d'un tissu associatif solide, volontaire, construit sur une habitude de partenariat. Nous avons toutes les clés pour favoriser l'implication citoyennes.
Pour activer ces clés nous pensons que la CALL a un rôle à jouer. Nous proposons de repenser vos financements aux projets et aux structures, en faisant de la pluri annualité la règle. Si le temps long est nécessaire pour les politiques publiques, elle l'est aussi pour l'activation citoyenne. La démocratie prend du temps. Les acteurs associatifs doivent avoir les moyens humains et financiers pour aller vers le public, plutôt que de devoir se contenter d'attendre qu'il vienne à lui.
Le soutien aux lieux citoyens de notre territoire est également un enjeu: favorisons des espaces pour imaginer le long terme avec des personnes différentes, de la mixité. Ces espaces pourraient être plus nombreux, pour mailler l'Agglomération, ainsi créer du lien, de l'écoute, de la coconstruction, pour imaginer ensemble la vie en proximité de demain... Redonnons aux habitants du pouvoir d'agir et de contribuer, si nous voulons redonner du sens au mot "citoyens".