1er constat : la géographie politique française est complexe. Il convient d’aller au-delà de l’opposition binaire entre ville (métropoles préservées du vote RN) et campagnes (qui voteraient RN). voir les spécificités électorales des territoires :
Classe 1 : sur-représentation de LFI et Reconquête, sous représentation du centre et de la droite
Classe 2 : sous-représentation de la gauche
Classe 3 : forte sur-représentation du RN, sous représentation de la droite et de la gauche (sauf LFI)
Classe 4 : sur-représentation de la droite (surtout RN), sous-représentation de la gauche et du centre
Classe 5 : sur-représentation de la gauche (sauf LFI), du centre et de la droite, sous représentation du RN
Classe 6 : forte sur-représentation du PS, des Ecologistes et de LR, forte sous-représentation du RN
Classe 7 : forte sur-représentation de toute la gauche, sous représentation de la droite (surtout RN)
Classe 8 : très forte sur-représentation de LFI
Les agglomérations du bassin minier du Pas-de-Calais (CALL, CAHC) sont concernées par la classe 3 :
Donc, au-delà du territoire (ville/campagne), il importe de prendre en compte les déterminants sociaux : l’âge, le diplôme, les CSP, les revenus, etc.
Ainsi, on pourrait avoir la typologie suivante :
gauche : jeunes très diplômés, mais peu aisés, employés de secteurs socio-culturels, descendants d’immigrés
RN : ouvriers et employés peu diplômés, sans ascendance migratoire + captation de l’électorat LR : électorat plus âgé, plus aisé, composé de cadres + «être du côté des vainqueurs»
centre : retraités, électeurs aisés et diplômés
Par ailleurs, attention aux analyses mono-causales :
les électeurs RN sont simplement racistes
les électeurs RN se sentent simplement abandonnés par les élites
les électeurs RN sont surtout des ruraux qui n’ont plus de services publics
Tout ça n’est pas faux Mais les 2 composantes existent :
Ainsi, dans le Pas-de-Calais, le vote RN est un vote populaire, vote de villes en déclin économique ; alors que dans le sud-est (dans les Bouches-du-Rhône), le vote RN est élevé tant dans les communes populaires que dans les communes bourgeoises
Et donc, les 2 facteurs du vote RN sont liés : immigration et économie. Les électeurs RN voient l’économie comme un gâteau à se partager, avec des immigrés qui ne contribuent pas, mais qui mangent une grosse part → dans ce contexte, le RN garantit à ses électeurs qu’il y aura des groupes sociaux plus opprimés, qui passeront après eux. C’est là l’imbrication entre la question économique et la question identitaire. Cette question se joue partout, mais sur des registres différents :
dans le nord → sur l’emploi
dans le sud → sur l’immobilier et sur l’éducation
Le tour de force du RN, c’est d’avoir réussi à politiser la question identitaire, en dépolitisant celle des inégalités économiques
Conclusion :
Ces éléments structurels laissent penser que l’implantation du RN sera durable et que la reconquête électorale sera longue pour la gauche. Politiser encore davantage les inégalités économiques pour les confronter à l’identitaire, se réimplanter dans des territoires d’où les forces vives de gauche sont parties, résister à l’offensive médiatique de l’extrême droite…, les chantiers sont nombreux et périlleux. Mais ils ne sont pas désespérés.
Se tourner vers les habitant-es, les salarié-es, les usager-es
On part de quelques idées déjà exprimées :
politiser encore davantage les inégalités économiques pour les confronter à l’identitaire
donner plus de pouvoir aux travailleurs-ses dans une optique « associationniste » (petites communautés de production autonomes)
se réimplanter dans des territoires d’où les forces vives de gauche sont parties
résister à l’offensive médiatique de l’extrême droite (la responsabilité des médias est de faire de l’élection une vraie compétition entre projets de société)
faire monter des sujets, des propositions, sur l’écologie, le féminisme, la politique fiscale, …
dépasser la simple alliance électorale, et mobiliser de larges pans de la société : «Il y a urgence à reconstruire un tissu social dense d’associations, de syndicats, de clubs, d’amicales et de communautés locales, autant d’espaces du lien social et de la codécision où les citoyens et citoyennes sont ensemble, intègrent une culture du collectif et du pluralisme, et sont acteurs de leurs propres vies ». (Paul-Max Morin)
en plus de favoriser la politisation, la lutte pour des augmentations de salaire, pour le maintien de l’emploi ou l’amélioration des conditions de travail est surtout un moyen d’améliorer la vie, ici et maintenant, sans attendre une hypothétique victoire électorale : «Le risque est de conditionner toutes les attentes des mondes populaires à la conquête de l’Etat (...) alors qu’une partie des transformations des conditions de vie et des mondes populaires ne se joue pas dans la conquête de l’Etat mais dans les entreprises ». (Xavier Vigna). « En 1936, les congés payés, qui n’étaient pas dans le programme du Front populaire, ont été obtenus grâce aux occupations d’usines » (Théo Roumier, syndicaliste à Sud éducation et auteur de plusieurs livres sur les gauches radicales et l’autogestion). « Il n’y a pas de raccourci électoral pour changer la société » (Charles Piaget, syndicaliste et figure du combat des ouvriers de Lip, qui ont tenté une expérience autogestionnaire dans les années 1970).
privilégier davantage l’enjeu d’organisation concrète, de coordination, à celui de communication. Durant le mouvement contre la réforme des retraites, « on avait une intersyndicale unie sur le papier, dans les communiqués, mais on a manqué d’équipes intersyndicales qui ont fait le tour des zones d’activité pour sensibiliser les salariés » (Théo Roumier).
Les propositions du groupe
développer des liens avec le monde syndical, économique
s'appuyer sur l'actualité parlementaire, développer des initiatives d'éducation populaire, contre l'endormissement de l'esprit critique, et le fait de compter sur un sauveur suprême
être attentifs-ves aux projets de lois, au budget de l'État
aller vers les jeunes (musique, foot)
prendre position politiquement, sur des sujets d'actualité, afficher nos opinions, en interne et à l'extérieur, en veillant à ne pas seulement "être contre", mais en proposant
intervenir dans les écoles (formations économiques)
au Toit Commun, mener des initiatives sur la question des prix : le prix d'un produit doit-il être le même pour tous-toutes ? Par exemple, afficher nos prix, sur certains produits, bière, café, et proposer des prix variables, sur la base de la confiance.
viser un contenu d'économie politique, plutôt que mettre en œuvre des initiatives sur l'extrême-droite
mettre en œuvre un "village des questions économiques", qui montrerait que l'organisation économique pourrait être différente (ce "village" pourrait tourner sur des villes différentes, des centres sociaux, etc.)
un escape game sur l'économie politique
la question des médias
Une prochaine rencontre est envisagée, mardi 15 octobre, à 18h30, au Toit Commun